Planter une forêt jardin en ville

Foret jardin en ville

Textes: Charlotte Richard 

Photos: Celeste images pour Lili Garden

À l’heure du changement climatique, il devient essentiel de penser des jardins durables en ville comme à la campagne. L’idée la plus forte en la matière se cache derrière un poétique mot valise : la forêt-jardin. Les urbains se diront qu’elle n’est pas pour eux. Qu’on se trompe ! Une forêt jardin en ville s’avère aussi possible que nécessaire : pour un futur souhaitable et durable.

Heureux habitants de terrasses, balcons, petits espaces, micro-jardins urbains, vous vous pensez trop citadin ? Vous manquez de temps, d’énergie, de connaissances ?  Voici des conseils pour vous métamorphoser en citadin-micro-jardinier-forestier.

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Une forêt-jardin, qu’est-ce que c’est ? Pourquoi ?

Qu’est ce que cela signifie exactement ?  

Selon Martin Crawford, le jardinier britannique qui a entres autres acteurs popularisé le concept : “Une forêt comestible est un jardin reproduisant la structure d’un jeune boisement naturel et employant des plantes d’intérêt direct et indirecte, souvent comestible. Les plantes d’une forêt comestible sont principalement pérennes.”. 

Sous nos latitudes, n’importe quel espace libre de toute intervention reprend le pouvoir pour devenir un boisement, puis une forêt. La forêt jardin duplique ce modèle naturel.

Une forêt comestible est bâtie comme une maison à plusieurs étages, voire un immeuble : 

  • les arbres moyens à grand de la canopée (+ de 10m de haut) constituent le toit. 
  • Les petits arbres et grands arbustes (4-9 m) bâtissent les murs.
  • Les arbustes (jusqu’à 3m) forment les poutres. 
  • Les plantes vivaces herbacées et persistantes assoient les premières pierres.
  • Les couvre-sol et plantes rampantes établissent les fondations.
  • Les grimpantes vivaces ou arbustives habillent les façades.
  • Les champignons s’épanouissent au sous-sol.  

 

Les esprits chagrins diront que les plantes des étages inférieurs d’une forêt-jardin ne peuvent pousser faute de lumière. Sauf qu’une forêt comestible ne présente pas la densité d’une forêt mais celle d’un jeune boisement. Elle offre donc un ensoleillement suffisant. 

Les forêts jardins fournissent une grande variété de produits : fruits, noix, graines, légumes, salades de jeunes feuilles, fines herbes, épices, bois de chauffage, champignons, piquets et tuteurs, matériau pour vannerie, herbes médicinales, plantes tinctoriales, plantes à savons, miel, sève etc. 

Une forêt nourricière en ville apporte une plus grande autonomie alimentaire en réduisant notre impact écologique et en favorisant la diversité.

Quel est l’intérêt ?

On parle donc ici de reproduire ce qui fonctionne à l’état naturel, mais à quoi bon ?

Martin Crawford répond : “ plus votre système horticole ou agricole est éloigné d’un boisement, plus il nécessite d’énergie pour le maintenir en l’état. Les boisements naturels n’ont pas besoin d’énergie humaine pour fonctionner : ils s’autogèrent”. Première bonne nouvelle pour vous et l’environnement, peu ou pas d’énergie à dépenser !

Les forêts comestibles présentent également plusieurs bénéfices pour l’environnement : 

  • Elles séquestrent le dioxyde de carbone – responsable du changement climatique – dans le sol.
  • Elles stockent l’eau évitant ainsi inondations et érosion des sols.  
  • Elles protègent les bâtiments réduisant la consommation énergétique liée au chauffage.

 

Le jardin comestible, c’est l’éloge de la paresse :  

  • On travaille avec un terrain plutôt que contre lui. La forêt-comestible requiert donc peu voire pas d’intervention du jardinier.
  • En associant des espèces qui prennent soin les unes des autres, la forêt jardin offre une très haute efficacité et une grande résistance aux maladies et ravageurs.
  • Leur diversité leur permet de présenter une solide résilience au évènements climatiques violents créés par le changement climatique.  

 

Enfin, pour sa beauté ! Une forêt jardin, procure le bien-être et l’inspiration d’une balade en forêt en ouvrant sa fenêtre. 

D’où vient cette idée ?

Le concept de forêt nourricière remonte à la préhistoire. Il s’agit probablement d’une des formes d’utilisation des sols la plus ancienne et la plus résistante au monde. 

Très présentes sous les tropiques, le terme de forêt nourricière à été proposé en 2009 par Wen Rolland, permaculteur québécois. L’horticulteur pionnier Robert Hart a planté une forêt jardin de 5000m2 dès les années 60 dans le Shropshire en Grande-Bretagne. Flambeau repris depuis par Martin Crawford, fondateur de l’Agroforestry Research Trust, et auteur de l’ouvrage de référence dans le Devon, toujours au Royaume-Uni.

Et, comment on fait en ville ?

Planter un jardin comestible est tout à fait envisageable dans un petit espace urbain. Il suffit de prendre en compte les contraintes de surfaces et de se passer des grands arbres pour concevoir une canopée d’arbustes et de petits arbres. Quand une grande forêt-jardin peut compter plus de 300 espèces, celle d’un micro-espace urbain en dénombrera une cinquantaine.

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Définissez vos objectifs 

Chaque jardin est unique et révèle tant les goûts, les envies et le budget de son·sa concepteur·rice que les caractéristiques de l’environnement dans lequel il évolue. On ne plante pas les mêmes espèces sur un terrain orienté au sud qu’au nord, dans un jardin pentu ou plat, sur une terre déjà cultivée ou vierge, dans un enclos venteux ou chaud.

Commencez par définir vos objectifs : 

  • Souhaitez-vous vous nourrir ? 
  • Ou simplement profiter de la vue ?
  • Le jardin a-t-il une vocation pédagogique ? Ou est-il réservé à la famille qui l’habite ?
  • Comment vivez-vous dans votre jardin ? Quelles sont vos habitudes ? Que vous manque-t-il ?

Puis, listez vos contraintes et ressources : 

  • Quel temps accordez-vous à ce projet ?
  • De quel budget disposez-vous ? Cela orientera par exemple, votre choix de produire vous-mêmes vos végétaux ou de les acheter en pépinière.

Faites-vous plaisir. Plantez ce que vous aimez. Comme le rappelle Martin Crawford, ne plantez pas des pommes si vous en avez horreur !

Dressez la liste de vos envies 

Classez les plantes que vous voulez par catégorie : arbustes, vivaces herbacées, etc. Vous pourrez les répartir virtuellement sur les différentes strates de votre forêt nourricière une fois votre plan établi.

A vos crayons 

Le meilleur moyen de trouver son chemin étant de suivre un plan, tracez le vôtre. C’est le moment d’exprimer vos talents de dessinateur·rice et de représenter votre espace. Indiquez les pentes, les zones ensoleillées, les plus ombragées, les variations de sol, les plantes existantes. 

Choisissez les espèces adaptées 

Vous savez maintenant ce que vous voulez et vous vous représentez clairement votre espace. Choisissez les espèces qui vous conviennent ainsi qu’à votre environnement pour chacune des strates de votre forêt : des petits arbres aux champignons, en passant par les couvre-sols.

Les petits fruitiers s’épanouissent très bien dans un jardin nourricier citadin. Amélanchiers, abricotiers, cognassiers, pommiers, figuiers, pêchers nectariniers ou kiwi s’adaptent aux espaces de 2m2 profond de 50 cm par exemple. 

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Quelques idées et caractéristiques de fruitiers : 

  • Les cassissiers sont fiables et faciles à cultiver. Leurs fruits se récoltent entre mi-juin et mi-septembre pendant une dizaine d’années et se consomment en confitures ou en pâtes de fruits.
  • Le groseillier à grappes est intéressant car plus tolérant à l’ombre que beaucoup de congénères.
  • Dans la famille des insolites, les amélanchiers à feuille d’aulne tiennent une belle place. Leurs baies sont assez proches des myrtilles, à déguster fraîches ou cuites.
  • Vous pouvez aussi vous laisser séduire par les épines-vinettes. Ces arbustes produisent des petits fruits acides très appréciés dans la cuisine iranienne.
  • Les cognassiers, délicieux en pâte de coing avec du fromage de chèvre, ont le bon goût d’être également mellifère. Autrement dit, aimés des abeilles.

 

Vous pouvez associer ces fruitiers avec des grimpantes comme les mûres-framboises, les mûres géantes ou encore la vigne. Les mûres sans épines sont un cadeau de la nature à faire grimper sur les branches basses d’arbustes côté sud ou ouest. 

 

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Chez les couvre-sols, les rock star sont incarnées par les fraisiers et fraisiers des bois, suivis de près par les airelles ou les canneberges (en terre acide), et toutes les aromatiques (thym, armoise, santoline, marjolaine, sauge, sarriette…).  Dans une autre catégorie gustative, les oignons et aux : ail des ours ou ail de Naples, sont de bons clients pour tapisser et protéger votre sol du froid, du chaud et des intempéries.

Imitez la nature 

Aménagez votre espace en copiant la nature. Si vous ne pouvez pas planter en pleine terre, privilégiez des grands bacs avec un substrat vivant : un mélange de matière minérale, végétale,  de compost et de vers de terre. 

Pour les vivaces et les fruitiers, composez un substrat avec une moitié de compost et de moitié de sable, gravier, pouzzolane ou billes d’argiles. Ajoutez quelques lombrics en surface dans la terre végétale, ou des Dendrobena (en vente dans les magasins de pêche) dans le cas contraire : ils aèrent et fertilisent la terre.

Si vous plantez en pleine terre, vous pouvez ajouter du compost ou un amendement organique comme la poudre d’os, arêtes de poisson, guano, fertilisant de ténébrion.

Soyez responsable

Orientez-vous vers une réalisation responsable en restreignant les déplacements inutiles et en bannissant les matières nocives pour l’environnement. Voici quelques exemples d’habitudes faciles à prendre : 

  • Evitez absolument les terreaux élaborés avec de la tourbe. Prélevés dans des écosystèmes très fragiles, ils les affectent particulièrement. 
  • Pensez aux abeilles et offrez leur un garde manger. Achilée, Aster, Bourrache, Lavande, Pavot somnifère, Rose trémière, Sauge, Souci, Oeillet d’Inde, voici quelques fleurs au goût des ouvrières. Vous trouverez toutes les références dans le livre de Leslie cité en fin d’article.  

 

Chez Lili Garden, on vise continuellement la durabilité pour nos projets :

  • On travaille avec des pépiniéristes locaux, on favorise au maximum les variétés endémiques et mellifères. 
  • On utilise du terreau sans tourbe produit en France (à base de compost d’orties La Florentaise   ou des déchets organiques des restaurants d’Île de France Moulinot).  
  • On applique des méthodes de cultures alternatives comme l’installation de composteurs, l’utilisation de compost, le recyclage de déchets végétaux ou encore l’introduction de vers de terre.
  • On privilégie les matériaux biodégradables et des essences de bois locaux (douglas, châtaignier, chêne, acacia). 

Toi, tu creuses 

Une forêt nourricière laisse libre cours à la singularité et à la diversité en construisant un écosystème autosuffisant, bénéfique pour lui-même et son entourage. Il s’agit d’un système changeant et adaptable, donc lancez-vous, n’ayez pas peur de vous tromper. 

Voici quelques références pour creuser le sujet : 

Enfin, voici quelques sujets chers à notre coeur qu’on développera dans les prochains articles :

  • Cuisiner sa forêt comestible. 
  • Idées de plantes ornementales communes et comestibles.
  • Produire ses propres plantes. 
  • Cultiver des champignons dans une forêt comestible. 

 

Charlotte Richard